Comment le travail hybride peut éliminer le facteur amitié au travail
Je me souviens très bien du moment où la présence de collègues m’a manqué pour la première fois.
Je buvais un café chaud, accoudée au comptoir froid de la cuisine dans mon petit appartement parisien, avec une grande envie de parler à quelqu’un.
La réunion de neuf heures ne s’est pas bien passée. Et il n’y avait personne pour s’en plaindre pendant ma pause-café car je télétravaillais.
Avant, ayant quitté la salle de réunion, j’aurais marché tout droit vers le bureau de l’office manager, Céline. Je l’aurais alors regardée avec une expression dépitée, espérant qu’elle aurait une minute pour prendre un café avec moi ou pour m’offrir un morceau de chocolat.
Ensemble, nous aurions rejoint nos autres collègues à la cafétéria et chacun de nous aurait laissé échapper ses émotions, que ce soit à propos du travail ou de la vie personnelle.
Malheureusement, malgré le café bien meilleur, la cuisine de chez moi ne m’a pas procurée le même soulagement que le coin café du bureau. De plus, je ne me sentais pas à l’aise d’appeler Céline pour me plaindre d’une vente infructueuse ou de me faufiler dans le salon pour en parler avec mon mari qui travaille à domicile à temps plein. Il ne me comprendrait pas de toute façon.
Le travail est l’une des parties les plus importantes de nos vies. Non seulement à cause de sa valeur économique mais aussi à cause de son aspect social.
Pensez-y : nous passons au moins 38 heures par semaine à travailler.
Selon une étude réalisée en 2018 par Jeffrey Hall, deux personnes ont besoin en moyenne de 30 heures pour devenir des amis occasionnels et de 300 heures pour devenir les meilleurs amis.
Personnellement, je ne peux pas m’imaginer trouver autant de temps pour bavarder avec ma future meilleure amie ailleurs qu’au travail.
Alors, il n’est pas surprenant que neuf Français sur dix pensent que le travail est l’un des endroits les plus faciles pour se faire des amis. Ou que plus de la moitié des Américains ont rencontré un ami proche par le biais de leur travail ou de celui de leur conjoint.
Même les sitcoms les plus populaires ont été développées autour du lieu de travail : The Office, Brooklyn 99, Superstore, Mad Man… En fait, dans ces séries, l’amitié était souvent la seule raison pour laquelle les collègues restaient dans leur entreprise.
Dans la vraie vie, des liens sociaux solides au travail se sont avérés entraîner un taux de rotation plus faible ainsi qu’une baisse des cas d’épuisements professionnels ou de dépressions liées au travail.
Pour de nombreuses travailleuses et travailleurs, le fait d’avoir un meilleur ami au travail conduit à un engagement plus élevé et, par conséquent, améliore la performance globale de l’entreprise. En effet, le fait simplement de passer de 20% de gens qui ont un très bon ami au bureau, réalité statistique actuelle, à 60% provoquerait une augmentation de 12% des profits de l’entreprise.
Ainsi, avec un onboarding virtuel, une présence irrégulière sur site et le manque d’interactions informelles spontanées entre les collaborateurs, le travail hybride peut conduire à la fin de la dimension amicale entre collègues. Une anonymisation des relations.
Finis les commérages autour des fontaines d’eau, les déjeuners d’équipe ou les afterworks. Le travail hybride restreint les moments de la vie au bureau qui créent des liens émotionnels entre coéquipiers et qui sont essentiels au développement des amitiés.
Ne vous méprenez pas, en tant qu’introvertie, j’adore travailler à domicile car cela me permet de dormir une heure de plus, de faire mon travail dans un silence complet et d’avoir un meilleur équilibre travail-vie personnelle.
Néanmoins, je crois que les nouvelles réalités hybrides du travail doivent être abordées avec prudence, en gardant à l’esprit leur impact négatif sur l’aspect social du travail et les amitiés au bureau.
(C’est pourquoi j’ai quitté ce job où j’étais obligée de venir au bureau un jour différent de celui de ma copine de café, Céline).
Une organisation du travail hybride doit être flexible, son administration doit être collaborative.
Permettre aux employés de choisir quand ils viennent au bureau et où ils vont s’asseoir (bien sûr, dans le cadre des accords d’entreprise sur le télétravail) peut conduire à de nouvelles amitiés et, par conséquent, à des employés plus heureux et plus productifs.
L’accès facile aux informations sur la présence des collègues sur site est la clé d’une organisation du travail hybride réussie.
Par exemple, le fait d’aligner mes journées au bureau avec mes amis, les commerciaux, est plus avantageux pour moi et mon entreprise que de venir le même jour que les développeurs. (Désolé, Olivier, David, et Belssem, mais je n’ai aucune idée du raccourci par défaut pour faire un commentaire en PHP Storm sur macOSX).
Pourtant, je serais intéressée de venir au bureau si le CTO intégrait un nouveau designer UX. On ne sait jamais, elle pourrait avoir la même passion pour D&D que moi.
Blague à part, l’aspect social du travail hybride est vital. Les entreprises, lors du choix de leur modèle de travail hybride, doivent donner la priorité à la construction et au maintien de liens sociaux forts entre les employés.
Clairement, travailler entre amis est beaucoup plus facile et motivant qu’à la maison ou, pire encore, que seul au bureau.
Ilona DRONIUK
Responsable Marketing chez Hubtobee