L’égalité professionnelle dans le cadre du travail hybride
Augmentation de la satisfaction au travail et de la productivité, plus grande autonomie des employés, gains de temps liés à la diminution des déplacements et, par conséquent, moindres émissions de CO2 : tous ces bénéfices du passage au télétravail avec la crise de la Covid-19 sont immenses.
Cependant, alors que les entreprises mettent en place divers modèles de travail hybrides pour combiner les avantages du télétravail et de la vie de bureau, la question de l’égalité professionnelle se pose vivement.
Risques de favoritisme dans les organisations en mode hybride de travail
En fonction des accords sur le télétravail et de la culture d’entreprise, les employés ont eu différentes possibilités d’organiser leurs horaires de travail et leur présence au bureau. Malheureusement, une telle flexibilité, bien qu’appréciée par beaucoup, conduit souvent à un favoritisme inconscient de la part de la direction.
Un employé qui vient régulièrement au bureau est disponible de façon directe. Il peut participer à des réunions spontanées et bénéficie d’un accès plus vaste aux échanges informels. Par contre, ceux qui travaillent principalement à distance peuvent être perçus comme moins engagés et avoir plus de difficultés à accéder aux informations essentielles ou à partager les résultats de leur travail.
Par conséquent, les collaborateurs qui préfèrent travailler à domicile peuvent rater des opportunités de promotion, leurs managers – généralement inconsciemment – valorisant plus les coéquipiers physiquement plus présents sur le site.
Les problèmes d’égalité professionnelle générés par le télétravail
La préférence pour le télétravail est habituellement liée à la situation familiale, au sexe, à l’age, à la culture et à la santé de l’employé. En d’autres termes, nous sommes tous inégaux face au travail hybride lui-même, mais aussi face aux raisons et motivations profondes de le poursuivre.
Les organisations qui obligent leurs employés à revenir à temps plein au bureau risquent de perdre certains de leurs talents, notamment parmi les femmes et les minorités. Une étude récente a révélé que 47% des travailleurs non-blancs et 48% des femmes démissionneraient ou commenceraient à chercher un nouvel emploi s’ils n’étaient pas autorisés à travailler à distance de temps en temps, tandis que seulement 39% des hommes blancs envisageaient de démissionner dans de telles conditions.
Bien que près de la moitié des femmes ayant des enfants de moins de 16 ans déclarent ne pas pouvoir travailler au calme lorsqu’elles télétravaillent, les parents (64%) sont plus susceptibles d’opter pour un nouvel emploi avec des modalités de travail hybrides plus flexibles que les employés qui n’ont pas d’enfants (48%). De plus, 44% des collaborateurs ayant des enfants à la maison estiment que le retour au travail sur site a eu un impact négatif sur leur santé mentale et, par conséquent, sont plus susceptibles d’être moins motivés ou de finir en burn-out.
Pour la majorité (60 %) des employés, l’absence de trajet est le principal avantage du travail à distance. En effet, les collaborateurs qui ont le plus de mal à se déplacer sont généralement les personnes qui vivent dans les quartiers métropolitains moins développés ou les périphéries résidentielles, dites « familiales », et qui ont un pouvoir d’achat plus faible pour acheter un moyen de transport individuel.
Enfin, les employés ayant certains problèmes de santé ou handicaps peuvent trouver le télétravail à distance plus pratique pour leur permettre de se rétablir plus rapidement, d’éviter les aggravations, de rester peu exposés et de réduire le stress lié à la santé.
Comment créer une organisation de travail hybride équitable
En apportant plus d’autonomie et de flexibilité et en minimisant les barrières géographiques, le travail hybride peut agir comme correcteur des inégalités professionnelles. L’hybridation du travail peut favoriser, entre autres, une plus grande diversité de cadres en ouvrant des opportunités de travail à une population moins mobile, notamment les femmes avec enfants, les personnes handicapées et celles qui vivent dans des zones éloignées et rurales.
Les organisations doivent agir à plusieurs niveaux afin de créer un milieu de travail hybride équitable.
Dr Terri Cooper chez Deloitte conseille d’adopter une méthode LEAD – écouter, engager, reconnaître, faire (listen, engage, acknowledge, do) – dans toutes les activités de l’entreprise. « Tant d’organisations entrent rapidement en action, mais l’écoute est cruciale. L’expérience de chacun est différente, et nous devons comprendre ces expériences uniques », ajoute Dr Terri Cooper.
Étant donné que le travail hybride est perçu différemment par chaque employé, l’obtention des retours en direct peut aider les managers et les RH à engager les salariés dans un dialogue ouvert autour des inégalités qui émergent dans un contexte de travail hybride et, en conséquence, à agir plus rapidement.
Cependant, le travail hybride nécessite également de trouver un nouveau moyen ou un nouveau lieu pour converser entre les collègues qui ne sont plus présents au bureau en même temps.
Conserver des moments et des espaces dédiés aux échanges informels et à la libre expression des opinions deviendra une priorité pour les RH dans la lutte contre les inégalités professionnelles. Cela pourrait se faire en fournissant aux employés des outils de communication et de collaboration virtuels, en organisant de fréquentes discussions thématiques et des activités de team-building en présentiel, ou en mettant en place des « boîtes à suggestions » virtuelles.
Les managers doivent s’attacher à préserver les liens sociaux entre coéquipiers en favorisant la circulation des informations stratégiques et la mise en valeur des résultats individuels. Les réunions d’équipe hebdomadaires et individuelles peuvent aider non seulement à transmettre la valeur de chaque employé, mais également à minimiser le favoritisme sous-jacent envers les collaborateurs basés, ou très souvent, au bureau.
Enfin, les données collectées sur le travail hybride peuvent aider les managers et les RH à mieux comprendre les racines des inégalités et à mettre en place un modèle de travail hybride plus équitable.
Certaines solutions numériques de gestion du travail hybride peuvent fournir des informations sur les types d’employés (femmes, parents, minorités) qui viennent le plus souvent au bureau, la fréquence à laquelle les coéquipiers se voient en personne, le nombre de liens sociaux perdus à cause du télétravail. En combinant ces données avec les informations sur la productivité individuelle, les promotions internes et le taux de rotation du personnel, les entreprises peuvent optimiser leur politique de travail pour qu’elle soit plus juste et plus égalitaire.
Avec toute l’agitation autour de la transition vers le travail hybride, la nécessité d’aborder la question sur les inégalités dans les nouvelles réalités du travail passe souvent inaperçue. Cependant, l’écart d’inégalité au travail augmente plus vite que jamais tandis que certains managers favorisent le présentéisme et que les femmes, les parents, les minorités et les collaborateurs handicapés préfèrent télétravailler.
Construire un lieu de travail hybride équitable très en amont peut minimiser le favoritisme et renforcer l’équité. Cela inclut de choisir avec soin les règles de télétravail, de fournir un accès égal aux informations à tous les employés, qu’ils soient en télétravail ou sur site, de favoriser un espace pour les échanges informels et de pousser les managers à montrer et à partager les talents et la valeur ajoutée de chaque membre de l’équipe.