Aller au contenu

Télétravail : l’évolution de la prévention des risques au travail

télétravail et risques au travail

La généralisation du télétravail et du flex office ne va pas sans poser de questions en matière de santé des employés. L’évolution du mode de travail a été accompagnée d’une évolution du cadre juridique et, surtout, des obligations des entreprises en prévention des risques professionnels.

Même si la majorité des employés voit la mise en place du travail hybride comme une amélioration de la QVT, cette nouvelle organisation est susceptible de générer un grand nombre de risques psychosociaux et physiques.

Le cadre juridique actuel prévoit la prévention primaire des risques au travail. En d’autres termes, les mesures préventives mises en place par l’employeur doivent s’attaquer aux causes racines des risques sur la santé des employés avant même qu’ils n’affectent le salarié.

Cependant, le télétravail occasionnel et l’alternance des lieux de travail régulier (bureaux, coworking, domicile) changent la façon dont les bureaux sont administrés et, par conséquent, complexifient l’identification, la prévention et la gestion des risques professionnels.

Les entreprises doivent à présent prendre en compte les modalités de travail très individuelles et très variées. Mais l’employeur n’a pas toujours d’accès direct aux lieux de travail, notamment l’accès au domicile du télétravailleur, ou aux détails sur l’état de la santé du salarié (les maladies chroniques, précautions, etc.) par respect de la vie privée.

C’est pourquoi la prévention des risques sur la santé des salariés nécessite une attention particulière de la part des entreprises tout au long de leur mutation vers le mode hybride du travail et aussi par la suite.

Le cadre juridique en matière de santé des employés en télétravail

Actuellement, les dispositions légales concernant le télétravail figurent dans le Code du travail et sont complétées par les dispositions conventionnelles de l’accord national interprofessionnel.

Le code du travail

Selon du Code du travail, l’article L.4121-1, l’employeur est obligé de prendre des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des tous les travailleurs.

La mise en place du travail hybride et, par conséquent, la modification des conditions de travail n’ont pas pour effet de modifier les obligations de l’employeur, ni celles du salarié concernant la prévention des risques professionnels.

Les dispositions spécifiques au télétravail du Code du travail introduites en 2012 fixent les obligations des employeurs et les conditions d’emploi des télétravailleurs (les articles L.1222-9 à L.1222-11). Parmi les obligations de l’employeur se trouvent :

    • L’identification et l’évaluation des risques liés au télétravail, la définition des mesures respectives de prévention et la création du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ;
    • L’organisation d’entretiens annuels avec le télétravailleur sur les conditions du travail et sur sa charge de travail ;
    • La formation des salariés sur les équipements techniques à leur disposition et sur les caractéristiques de l’organisation hybride du travail.

Selon le Code du travail, un accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail, pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur, est présumé être un accident du travail.

Le décret n°2022-395 du 18 mars 2022 pour renforcer la prévention en santé au travail

Le 31 mars 2022, le décret n°2022-395 du 18 mars 2022 précisant les modalités d’élaboration, de mise à jour, de conservation et de mise à disposition du « Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels » (DUERP), est entré en vigueur.

Ce décret est encadré davantage le document unique et renforcer le rôle du CSE en matière de santé, sécurité et conditions de travail.

Parmi les nouvelles règles :

    • Consultation obligatoire du CSE sur le DUERP
    • Pour les entreprises d’au moins 11 salariés, la mise à jour du DUERP est nécessaire au moins tous les ans ou en cas d’évolution des conditions de travail liées à des décisions d’aménagement importantes ou lorsque des informations complémentaires pertinentes à l’appréciation d’un risque sont portées à la connaissance de l’employeur.
    • Le DUERP et ses versions antérieures sont tenues pendant une durée de 40 ans à la disposition des anciens salariés de l’entreprise ainsi qu’à toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès.

Les accords nationaux interprofessionnels

Les accords nationaux interprofessionnels, dit ANI, portant sur les conditions de travail et les garanties sociales des salariés au sein des entreprises, est une base juridique importante en matière de santé des employés en télétravail. Particulièrement, l’ANI de 2013, de 2020 et de 2021.

L’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 vise à améliorer la qualité de vie au travail des salariés aux différents niveaux de l’entreprise.

L’ANI sur le télétravail signé le 26 novembre 2020 avait pour ambition d’apporter un cadre à la pratique du télétravail. Avec la crise de la COVID-19, cet accord a été étendu par arrêté du 2 avril 2021, et ses stipulations sont rendues obligatoires pour toutes les entreprises du secteur professionnel.

L’accord national interprofessionnel sur la santé au travail, signé le 8 janvier 2021, ancre la priorité de la prévention primaire et différencie les risques psychosociaux des risques professionnels dits « classiques »: physiques, chimiques, biologiques, troubles musculosquelettiques, etc.

Des points de vigilance dans la prévention des risques professionnels

Lors de la transition vers le travail hybride, les entreprises doivent faire la démarche d’évaluation des risques professionnels physiques et mentaux. Cette démarche est nécessaire pour mettre à jour les mesures de prévention existantes liées aux nouvelles réalités du travail. Attention, elle doit viser bien sûr les télétravailleurs, mais aussi tous les salariés, y compris les salariés sédentaires qui peuvent être concernés du fait de l’hybridation possible avec des équipes en télétravail.

Bien évidemment, certains risques identifiés dans le contexte du travail hybride sont similaires à ceux auxquels les collaborateurs sont exposés dans l’environnement traditionnel : les troubles musculosquelettiques (le mal de dos, d’épaule ou de poignet) liés au mauvais aménagement du poste de travail, les risques psychosociaux comme le burn-out, le stress ou l’anxiété, et autres.

Cependant, en situation de télétravail, ces risques sont plus difficiles à prévenir ou même à identifier. Suivre le réglage de la chaise du salarié à domicile est moins simple qu’au bureau où tous les équipements sont standardisés et aménagés par les spécialistes. Identifier les premières étapes d’épuisement professionnelles du collaborateur à distance via une visioconférence est quasiment impossible…

Dans le cadre du travail hybride, la direction doit être particulièrement vigilante aux points suivants :

  • L’ergonomie du poste de travail. Même si l’employeur n’a pas d’accès direct au poste de travail à domicile, il doit mettre en place en continu des actions de sensibilisation. Les rappels et les formations régulières dédiées aux bonnes pratiques d’aménagement du bureau sont indispensables afin d’éviter l’apparition de troubles musculosquelettiques. Aujourd’hui, de nombreux outils digitaux existent sur le marché permettant de gérer facilement les rappels et le suivi des formations et d’agir rapidement au sujet des problématiques les plus urgentes.
  • La préservation du lien social au sein de l’entreprise. Pendant des années, le bureau a servi comme lieu unique de rencontres et de collaboration. Aujourd’hui, nous avons appris à collaborer en mode hybride ou même complètement à distance. Cependant, le travail hybride a supprimé la possibilité d’avoir des rencontres spontanées et informelles autour de la machine à café ou de la fontaine d’eau et, par conséquent, a eu un impact négatif sur l’intelligence collective au sein de l’entreprise. Afin d’éviter la perte du lien social entre les collaborateurs, les organisations doivent mettre en place des outils pour faciliter la collaboration et les rencontre entre les équipes en présentiel.
  • Le burn-out. Environ 36% des télétravailleurs français auraient été en burn-out pendant la crise de la Covid-19. La perte des repères, le dépassement de la durée normale du travail, l’isolement social, tous ces éléments peuvent provoquer un burn-out. L’employeur doit faire respecter et avoir les moyens de contrôler la durée de travail de chaque salarié. Les dispositifs technologiques et les rappels réguliers peuvent être déployés pour limiter le temps de connexion. L’accès libre à des ressources d’aides pour lutter contre les risques psychosociaux et la création de programmes efficaces de bien-être sont essentiels afin d’aider les équipes à s’ajuster plus facilement à leur environnement hybride de travail et prévenir l’épuisement professionnel.

Les évolutions en matière de Qualité de Vie au Travail

Les obligations des entreprises en matière de Qualité de Vie au Travail sont en train de devenir un sujet majeur pour le monde du travail et son organisation. La décision récente de L’Organisation internationale du travail (OIT) de faire de la santé et de la sécurité au travail un droit fondamental illustre bien cette tendance.

Dans les années à venir, nous envisageons une évolution encore plus forte des obligations des employeurs en QVT, notamment en matière de prévention des risques au travail. Parce que tous les employés, au bureau ou en télétravail, ont droit à un environnement de travail sûr et sain.

 

 


Alexandre Long Agelia

 

Alexandre Long
Cofondateur d’Agilea, une solution digitale innovante conçue pour aider chaque collaborateur à gérer les risques associés à ses environnements de travail, qu’il se situe dans les locaux de l’entreprise ou ailleurs (itinérance, missions chez des clients, télétravail).