Brider ou débrider l’hybride ? Les entreprises s’adaptent pour combattre la distanciation sociale
Nous vivons une mutation sociétale très déstabilisante, offerte par un progrès scientifique porteur à la fois de promesses et de risques majeurs.
Le nouveau rapport au travail, à l’espace et au temps permis par le digital engendre également un nouveau rapport aux collègues et à l’employeur.
Plus fondamentalement, le nouveau rapport existentiel à la vie, issu des crises majeures récentes (écologiques, sanitaires, géopolitiques), vient profondément faire bouger les lignes et les paradigmes.
Face à une telle situation, les entreprises n’ont pas d’autres choix que de se préparer à cette nouvelle ère qui ne fera pas de cadeaux, rien de nouveau ici, à celles qui ne sauront s’adapter.
La relation humaine est fragilisée
Force est de constater aujourd’hui, que le digital constitue une véritable mutation sociétale qui fragilise dangereusement la relation humaine.
Déjà depuis l’arrivée des smartphones, on voit les écrans personnels occuper potentiellement toute la sphère individuelle de chacun. Des silos virtuels peuvent isoler les individus d’une communauté. Une famille entière regroupée autour d’un repas peut voir chacun absorber dans sa bulle sans partage.
Depuis les confinements, les visioconférences professionnelles se substituent aux réunions physiques et érodent la convivialité que filtrent les écrans.
Le télétravail, chacun chez soi, semble prendre le dessus sur la vie de bureau, menaçant ainsi l’essence même des sociétés constituées par la compagnie (réunions de personnes) des collaborateurs.
Nombre de témoignages confirment en effet que trop souvent, les bureaux sont vides ou sous-occupés, malgré leurs tailles parfois amoindries par le flex office.
Le sujet principal des ressources humaines est d’attirer les talents, non seulement dans l’entreprise mais également, en plus, dans les locaux de l’entreprise.
Trop souvent, les collaborateurs se sont retrouvés isolés de leur écosystème rapproché, bien que venus sur site. Ce « ghosting » est un « tue le commute », et donc un « tue le communautaire ». Aller au bureau pour finalement rencontrer les autres, restés chez eux, sur Teams. Pas acceptable plus de deux ou trois fois !
Combattre la distanciation sociale du nomads land
Avant, on déménageait pour trouver un emploi, on s’installait près de son bureau.
Aujourd’hui, on peut changer d’entreprise comme de chemise ! Sans bouger de chez soi.
Phénomène permis par le télétravail, par la primauté de la recherche de sens chez beaucoup et par le retournement du marché de l’emploi, positif pour les employés.
Certains ont même commencé leur tout premier job confinés chez eux, sans rencontrer personnes de leur équipe pendant des mois. Cela ressemble beaucoup au modèle free-lance et plus du tout à celui du salariat !
Comment est-il possible de travailler sans avoir un réseau professionnel qui se tienne déjà au sein de son entreprise. Il est bien connu que le networking est le meilleur allié de la performance professionnelle. En distanciant le lien humain, on se coupe de l’atout majeur du succès professionnel, individuel et collectif.
Or, on le sait également aujourd’hui, d’expérience bien ancrée à présent, si les écrans nous permettent de nous connecter les uns aux autres, c’est de façon imperceptiblement déshumanisante que cela se produit.
Plus d’espace vital pour l’informel ou le convivial, les technologies prennent le pas sur le touch. Les deux sont indispensables pourtant. Le pouvoir de sérendipité autour de la machine à café du bureau n’est plus à démontrer.
“In medio stat virtus” (Aristote). Toute vertu se situe au milieu, en bon équilibre entre deux excès. Non au tout-virtuel ni au tout-présentiel !
Mais comment faire en sorte qu’un juste équilibre s’installe dans les équipes et entre les équipes ?
Conjuguer le meilleur des deux facettes
Les neurosciences nous enseignent que les temps de concentration sont optimisés en bonne isolation et que le lien social et l’ocytocine s’épanouissent en co-présence des autres.
Ce rythme optimal entre présentiel et remote est donc à trouver individuellement mais aussi bien-sûr, collectivement. Une absence de coordination mettrait à mal le collectif de chaque tribu de travail.
Face à cette difficulté inédite d’absence, sans absentéisme pour autant, les entreprises préfèrent encore laisser la distanciation sociale s’immiscer plutôt que de perdre leurs collaborateurs en leur imposant un retour sur, désormais, un nouvel acquis social.
D’autant plus qu’à court terme, les effets bénéfiques du télétravail sur la performance sont palpables. Tout le reste, depuis les risques psychosociaux jusqu’à la perte de la culture liée à celle du collectif fécond sont comme des bombes à retardement inéluctables si rien n’est corrigé ni managé.
Pour cela, plus que jamais la raison d’être de l’entreprise doit être travaillée et en adéquation avec les attentes des collaborateurs comme principal cordon ombilical suffisamment nourricier pour les renouveler dans leur loyauté et engagement. Les valeurs authentiquement déployées, seules seront garantes de succès en la matière. Le reste sera balayé comme paille au vent.
Une bonne maîtrise d’outils adaptés et nouveaux, offrant agilité collective et bonne coordination des espaces et des temps, sera aussi le meilleur moyen d’offrir une belle souplesse d’autonomie collective et individuelle.
L’entreprise libérée et congruante
Ainsi, la présence ne se fera plus par défaut, mais bien par décision consciente, présence à l’autre, présence au lieu et à l’environnement.
Cette responsabilisation individuelle et collective pourra donner un nouveau souffle aux entreprises dont la raison d’être sera travaillée, intégrée et vécue à chaque étage de l’entreprise.
La crise mondiale que nous venons de vivre portera alors un fruit de transformation, bénéfique pour beaucoup !
Benoit Rabourdin
Cofondateur Hubtobee